Santé mère et enfant

Les infections du nouveau-né à Madagascar

Le projet BIRDY initié par l’Institut Pasteur à Paris en 2012, vise à dresser un état des lieux des infections du jeune enfant dans les pays à faible revenus, notamment à Madagascar, au Sénégal et au Cambodge. Il a pour ambition de décrire ces infections et plus particulièrement celles qui sont résistantes aux antibiotiques, ainsi que leurs conséquences médicales et économiques. Ce travail permettra ainsi de guider les soignants pour la prévention, le diagnostic et la prise en charge de ces infections.

Les infections du jeune enfant : un drame dans le monde et à Madagascar

Dans le monde, ce sont 4 millions d’enfants qui meurent chaque année avant l’âge d’un an, dont un tiers suite à une infection sévère. La période néonatale (1er mois de vie) concentre à elle seule un tiers des décès avant l’âge d’un an1. En 2013, les Nations Unies estiment qu’ à Madagascar, 56 enfants pour 1000 naissances vivantes meurent avant l’âge de 5 ans et que 7% de ces décès seraient dus à des infections néonatales2.

Partout dans le monde on constate une augmentation de la résistance des bactéries aux antibiotiques, compromettant les possibilités de traiter les infections dues à ces bactéries. La plupart des données dans les pays à faibles revenus proviennent de l’hôpital et peu de données existent en milieu communautaire sur les  infections à bactéries multi-résistantes aux antibiotiques chez les jeunes enfants. On ne sait donc pas quel est le niveau de résistance en milieu communautaire et quelles sont les conséquences des infections causées par ces bactéries multi-résistantes, notamment en termes de morbi-mortalité.

Ce que l’étude pilote de BIRDY a montré au sujet des infections néonatales à Madagascar

L’analyse des 981 premiers dossiers de l’étude inclus dans 3 quartiers d’Antananarivo et 6 quartiers de Moramanga, entre septembre 2012 et octobre 2014 (phase ‘pilote’)3, a permis de répondre aux questions suivantes :

Combien d’enfants étaient à risque de contracter une infection néonatale ?

218 enfants (22.2%) ont été examinés par un médecin à la naissance car nés dans des conditions de risque infectieux (fièvre maternelle, rupture de la poche des eaux de plus 12 heures, liquide amniotique fétide, accouchement difficile).

Combien d’enfants ont présenté une infection néonatale ?

69 enfants ont présenté un tableau clinique compatible avec une infection sévère dans le premier mois de vie, dont 16 cas certains et 16 cas probables (c’est-à-dire documentés par les examens du laboratoire). L’incidence des infections néonatales certaines a été estimée à 17.7‰  enfants nés vivants (intervalle de confiance à 95% : 10,8 à 28,9).

Quand  et dans quel type de milieu sont-elles survenues ?

La majorité (75%) de ces infections certaines sont survenues au cours de la première semaine de vie (12 cas sur les 16), ce qui représente une incidence d’infection néonatale dite « précoce » (survenant entre le 0 et le 6e jour de vie) de 13.3‰ enfants nés vivants (intervalle de confiance  7.5 à 23.4).

L’incidence de ces infections néonatales  est de 22,2‰ naissances vivantes en milieu urbain (Antananarivo) (intervalle de confiance : 7.4 à 29.5) et de 14,8‰ en milieu semi -rural (Moramanga) (intervalle de confiance : 11.1 à 44.4).

Parmi les 981 enfants inclus à la naissance, 351 naissances se sont déroulées à domicile. Nous avons  trouvé que l’incidence d’infection néonatale était de 15,6‰ naissances vivantes (intervalle de confiance : 7.0 à 34.6)  pour les naissances à domicile et de 19,4‰ (intervalle de confiance : 10.4 à 36.0) pour les naissances en structure de santé.

Quel tableau clinique présentaient ces enfants infectés ?

Le diagnostic établi par les médecins malgaches était 13 sepsis  et 3 méningites pour les 16 nouveau-nés présentant  une infection sévère certaine.

Quels étaient les pathogènes impliqués ?

35 pathogènes ont été identifiés dans les prélèvements faits sur les 32 cas certains et probables d’enfants malades. 81,2% d’entre eux étaient de type « Gram négatif »  avec prédominance de Klebsiella spp. et d’Escherichia coli.

Combien d’infections étaient résistantes aux antibiotiques ?

70% des pathogènes retrouvés étaient résistants à au moins un des deux médicaments actuellement recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé pour traiter ces infections (ampicilline et  gentamicine).

Quatre des six Klebsiella spp. isolés étaient des entérobactéries productrice de ß-lactamases à spectre élargi (EBLSE) et un Staphylococcus epidermidis résistant à la méthicilline (SARM).

Le taux d’incidence d’infections néonatales multirésistantes  est de, 7.7 cas pour 1000 naissances vivantes [95% CI, 3.7-16.2].

Quelles étaient les caractéristiques des décès néonataux ?

En tout, 19 bébés dont 2 paires de jumeaux et un jumeau sont décédés au cours de leur suivi.

Tous les décès néonataux, excepté un ont eu lieu dans la première semaine de vie.

Six des bébés décédés étaient prématurés et parmi eux, 3 présentaient des signes cliniques d’infection sévère.

Quatre décès néonataux ont eu lieu à domicile et dont les causes restent inconnues.

Neuf décès avaient comme cause de décès une suspicion d’infection néonatale.

Implications en termes de santé publique à Madagascar

En résumé, dans cette population, 35,8 pour 1000 naissances vivantes ont présenté une infection néonatale (cas certains et probables). Le taux d’infection néonatale précoce est très élevé, à titre de comparaison celui –ci est 40 fois supérieur à celui des Etats Unis4. De plus, La majorité de ces infections (75%) et décès sont survenus au cours de la première semaine de vie  Cette période particulièrement vulnérable pourrait bénéficier d’interventions de santé publique  visant à mieux faire connaître la prévention, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique des infections néonatales.

De plus, il s’agit de la première étude à estimer un taux d’infections néonatales multirésistantes en communauté dans les pays à bas revenus. Ce taux (incidence d’infection néonatale multirésistante), estimé à 7.7 cas pour 1000 naissances vivantes [IC à 95%, 3.7-16.2]  est « relativement » bas. Cependant, deux-tiers des pathogènes identifiés chez les enfants BIRDY malades étaient résistants à l’ampicilline et/ou à la gentamicine, qui sont recommandés par l’OMS pour traiter les infections néonatales. Bien que préliminaire, ce résultat suggère que des actions pourraient être mises en place concernant l’utilisation juste et rationnelle des antibiotiques,  afin d’éviter la diffusion de bactéries multi-résistantes dans la communauté et de maintenir voire diminuer cette incidence des infections néonatales multirésistantes. Ainsi, par exemple, des recommandations  pourraient être ajoutées ou adaptées dans le document produit par les « Confrères de Mada » et destiné aux médecins malgaches « pour un bon usage des antibiotiques ».

Au 6 Mars 2017, 2001 enfants étaient inclus dans la cohorte de surveillance, y compris 821 à Antananarivo et 1180 à Moramanga.  Parmi ces enfants, 8495 ont bénéficié d’une consultation médicale, et 271 ont été hospitalisés au moins une fois (320 hospitalisations au total). Début Mars 2017, 1912 enfants avaient terminé leur suivi de 18 mois et 89 étaient toujours sous surveillance BIRDY.

L’étude BIRDY à Madagascar

[Video] BIRDY – Lutter contre la résistance aux antibiotiques à Madagascar

A Madagascar, l’Institut Pasteur a débuté l’étude BIRDY en 2012, avec le soutien de la coopération internationale de Monaco

Des enfants nouveau-nés sont surveillés médicalement de leur naissance à l’âge de 18 mois dans 3 quartiers de la Commune Urbaine d’Antananarivo et 6 quartiers de la Commune Urbaine de Moramanga. Lorsqu’ils naissent dans un contexte de risque infectieux ou présentent une fièvre (≥ 38°C) ou présentent des signes infectieux, ils sont examinés par un médecin ; des prélèvements biologiques sont effectués pour éventuellement confirmer une infection et en rechercher la cause. Les examens bactériologiques sont effectués à l’Institut Pasteur de Madagascar. Les enfants malades sont traités gratuitement, suivant les recommandations locales dans un premier temps, puis selon les résultats d’analyse lorsqu’ils sont disponibles. Les dossiers des enfants sont ensuite analysés par des médecins épidémiologistes de l’Institut Pasteur. Les diagnostics sont revus et classés selon leur degré de certitude.