IMI-Cysti-Ifanadiana Analyse des facteurs culturels et épidémiologiques qui contribuent à la propagation de la téniase/cysticercose dans le district de Ifanadiana (Ranomafana)

Contexte et justification

Bien que tout à fait évitable, la cysticercose est endémique à Madagascar avec une séroprévalence allant de 20% (Hautes terres centrales) à 7% (Régions côtière) en population générale. La cysticercose est responsable d’environ 25% des cas d’épilepsie et coûte environ 360 ​​millions € / an au secteur de la Santé Publique. Le district d’Ifanadiana compte parmi les 33 districts présumés endémiques à la cysticercose à Madagascar. La pauvreté, les conditions d’hygiène et le système de santé précaire pourraient contribuer au taux de prévalence élevé de la cysticercose dans ce district.

La présence, d’une part du Centre de Recherche ValBio et de l’ONG PIVOT (travaillant pour la Santé publique dans la commune de Ranomafana) et d’autre part, de l’Institut Pasteur de Madagascar (qui mène des travaux de recherche sur la prévalence de la cysticercose à Madagascar et le développement de tests pour le diagnostic) fournit une occasion unique pour mener des études afin de mieux comprendre l’épidémiologie et les facteurs socio-anthropologiques qui pourraient contribuer à la propagation de la cysticercose dans la région. En effet, des études préliminaires ont montré que le district de Ifanadiana, situé au niveau d’une fracture géographique et culturelle de la grande île, présente des taux en portage du parasite responsable de la cysticercose (Taenia solium) différents selon les villages considérés. Les différents taux de portage observés pour d’autres parasites entre les différents villages investigués suggèrent également des comportements culturels différents conduisant à des différences dans la prévalence de maladies parasitaires telles que la cysticercose.

Objectifs

Dans ce contexte, ce projet a pour objectif principal de mieux comprendre les facteurs culturels et épidémiologiques qui contribuent à la propagation de la cysticercose dans les différentes communes du district de Ifanadiana à Madagascar.

Les objectifs spécifiques qui en découlent sont:

  1. Etudier l’épidémiologie de la téniase, de la cysticercose, et d’autres parasitoses intestinales dans les populations vivants dans les villages ruraux du district de Ifanadiana ;
  2. Etudier les facteurs culturels qui limitent ou perpétuent la téniase/cysticercose ;
  3. Analyser la séroprévalence de la cysticercose humaine.

Méthodes

Une enquête socio-épidémiologique, associée à une analyse des parasitoses intestinales (Ascaris lombricoïdes, Trichuris trichiura, ankylostomes, ténia, …) et de la séroprévalence de la cysticercose a été menée dans 12 villages (Ambinanindranofotaka, Mangevo, Marozano, Sahavanana, Sahavoemba, Mandrivany, Kianjanomby, Ankazotsara/Ampitambe, Ambodivoahangy, Fohabe, Bevoahazo, Torotosy, Ampitavanana) du district de Ifanadiana de juin à août 2016. L’étude a été réalisée chez les villageois, âgés de plus de 5 ans, résidant depuis plus de 3 mois dans la zone d’étude (> 50% du temps), et ayant accepté de participer librement à l’enquête. Après avoir obtenu un consentement éclairé, un questionnaire portant sur les pratiques culturelles relatives à l’élevage, l’assainissement, l’alimentation, et l’utilisation des latrines a été réalisé. Des  prélèvements de selles et de sang (prélèvement capillaire au bout du doigt) ont aussi été effectués afin de détecter les parasites intestinaux par coprologie et biologie moléculaire (PCR), et diagnostiquer la cysticercose par sérologie. L’analyse microscopique des selles pour l’étude des parasites intestinaux a été réalisée en utilisant les techniques de “Kato Katz” et de sédimentation. Les analyses sérologiques ont été effectuées dans un premier temps par ELISA afin de rechercher les anticorps (IgG) circulants dirigés contre les antigènes de T. solium. Les sérums positifs en ELISA ont été testés par Western Blot/EITB pour confirmer une cysticercose.

Résultats et discussion

Un total de 543 participants volontaires âgés de plus de 5 ans (moyenne 25,2 ± 2,3 ans, 51,4% d’hommes) ont été inclus dans cette étude. La majorité de la population (92,7%) présentait une ou plusieurs infections parasitaires avec des prévalences de 67,2% (IC95%: 67,58-75,06) pour Ascaris lombricoïdes, 75,3% (IC95%: 71,83-78,96) pour Trichuris trichiura, 33,4% (IC95%: 29,54-37,35) pour les ankylostomes. Les œufs de Taenia spp. ont été détectés dans 12 échantillons de selles ce qui correspond à 2,2% (IC95%: 1-3,5) de la population investiguée. Par ELISA, la prévalence des anticorps (IgG) dirigés contre les glycoprotéines membranaires de cysticerques de T. solium était de 30,6% (IC95%: 26,7-34,4). Une cysticercose a été confirmée par EITB chez 2,2% (95%, IC: 1-3,4) des sujets inclus et 1,5% d’entre eux avait une cysticercose active caractérisée par la présence d’une réactivité contre les glycoprotéines de T. solium ayant une masse moléculaire de 13/14 kDa. Parmi les 12 villages investigués, le village de Torotosy avait la plus forte prévalence en cysticercose avec cinq cas détectés dont trois avec une forme active.

Cette étude pilote a montré de fortes prévalences en parasitoses intestinales et en cysticercoses dans 12 villages ruraux du district de Ifanadiana et ce malgré les campagnes annuelles de déparasitage. Une analyse des facteurs culturels et épidémiologiques qui contribuent à la propagation de la téniase/cysticercose dans ce district est en cours.

Impact

Les résultats obtenus au cours de cette étude constituent une base essentielle pour guider la mise en œuvre des stratégies de lutte contre les parasitoses intestinales et la cysticercose dans le district de Ifanadiana. A terme, ce projet permettra de réduire et de contrôler ces parasitoses et surtout la cysticercose, zoonose longtemps négligée car présentant un faible taux de létalité avec des signes cliniques qui n’apparaissent qu’après de nombreuses années.