Viro-RIFT-Mada Compréhension des mécanismes de transmission de la Fièvre de la Vallée du Rift à Madagascar

Contexte et justification

La Fièvre de la Vallée du Rift (FVR) est une arbovirose zoonotique affectant principalement les ruminants domestiques et provoquant des épizooties sévères (avortement, augmentation de la mortalité chez les jeunes ruminants). L’homme peut être infecté par piqûre de moustiques ou par contact direct avec des produits issus d’animaux infectés (avortons, sécrétions). Les vecteurs du virus de la FVR (VFVR) sont nombreux (EFSA, 2005). A Madagascar, le VFVR a provoqué des épidémies et épizooties en 1990-1991, puis en 2008-2009.

Malgré les nombreuses études menées depuis la dernière épizootie à Madagascar, les conditions et facteurs d’émergence, de persistance et de dissémination virale dans les différents écosystèmes, demeurent inconnus. Notre projet de recherche s’attache donc à comprendre et expliquer l’épidémiologie de la FVR à l’échelle nationale de Madagascar.

Objectifs

Cette étude a pour objectif la compréhension des mécanismes mis en jeu dans le cycle de transmission, l’estimation des paramètres de transmission et les risques d’émergence de la FVR à Madagascar :

  • Caractériser les différents écosystèmes de Madagascar pour la FVR et identifier les facteurs de risque de transmission ;
  • Retracer l’histoire de la dynamique de circulation de FVR chez les bovins à Madagascar ;
  • Décrire les mécanismes de transmission dans une zone à fort risque pour la FVR.

Méthodes

Nous avons bénéficié de plusieurs sources de données disponibles à l’unité de virologie de l’IPM :

  • Données humaines (sérologies) provenant du projet ZORA ;
  • Données de ruminants (sérologies) en période pré-épidémique, épidémique et post-épidémique ;
  • Données climatiques et environnementales ;
  • Données entomologiques.

Les données de ruminants proviennent d’enquêtes et prélèvements réalisés d’avril à juin 2014, dans 5 districts appartenant à des écosystèmes différents de Madagascar :

  • Antsohihy (écosystème sub-humide du moyen ouest);
  • Tsiroanomandidy (écosystème humide des hauts-plateaux);
  • Morombe (écosystème semi-aride du sud-ouest);
  • Tuléar (écosystème semi-aride du sud-ouest) ;
  • Farafangana (écosystème humide du sud-est).

Afin de déterminer si la transmission du VFVR se faisait toujours chez les ruminants depuis les épizooties de 2009 (et donc s’il existait une circulation enzootique), nous avons ciblé les animaux nés après 2009. Ainsi, dans chacun des sites nous avons échantillonné 30 animaux des classes d’âge de [0-1an]; ]1-2ans]; ]2-3ans]; ]3-4ans]; ]4- 5 ans]. Nous avons également échantillonné 100 animaux de la classe d’âge de plus de 5 ans.

Résultats et discussion

Nos travaux, montrent qu’à Madagascar la FVR circule de façon endémique de manière plus ou moins stable en fonction des régions : le virus persiste dans certaines régions alors qu’il se manifeste par des circulations récurrentes voire épizootiques dans d’autres régions. La détermination du type de circulation est indispensable pour la mise en place des mesures de lutte, de prévention et de surveillance qui ne seront pas les mêmes en fonction des situations épidémiologiques.

L’hétérogénéité des paysages de Madagascar contribuent à des dynamiques de transmission de la FVR qui diffèrent d’une région à l’autre. La région Nord-Ouest est soumise à une alternance d’une transmission récurrente et d’une transmission enzootique continue. Les hauts plateaux du centre de l’île auraient une dynamique de transmission synchrone avec la dynamique de transmission du Nord-Ouest. Cette synchronicité de circulation pourrait s’expliquer par l’activité humaine et en particulier le commerce et mouvements des animaux. Dans l’Est de l’île, la séroprévalence est hétérogène et est liée à la densité des bovins. La dynamique de transmission est épidémique avec un risque de propagation du virus à partir de cette région qui est faible. Enfin, la région Sud-Ouest de l’ile présente un profil de transmission épidémique avec un risque faible de transmission. Pour résumer, les environnements à risque sont une forte densité de bovins, un environnement humide et un climat avec des températures élevées et des pluies importantes toute l’année.

Les résultats de nos travaux sont en faveur d’une circulation à bas bruit dans la région du Nord-Ouest qui alimenterait les régions centrales puis l’Est par le commerce des zébus. Ces trois régions seraient donc connectées alors que la région du sud-ouest aurait une circulation du VFVR indépendante.

Impact

Pour qu’elles soient efficaces, les mesures de prévention, de lutte et de contrôle contre la FVR doivent prendre en compte la complexité de l’éco-épidémiologie de la FVR et donc les différentes composantes épidémiologiques : l’environnement, le vecteurs et les hôtes (humain et animaux). Malgré la grande diversité des mécanismes de transmission de la FVR, la succession des évènements épizootiques et épidémiques est relativement semblable. Ainsi, trois types d’action, de prévention, de lutte et de contrôle peuvent être mise en place en fonction de l’intensité de circulation du virus :

  • Vigilance, préparation et prédiction inter-épidémique et inter-épizootique. La surveillance environnementale, entomologique, humaine et animale permet en période inter-épidémique de suivre l’évolution de la transmission en continu. Dans les pays où les ressources allouées à la surveillance sont limitées, un travail en amont, d’identification des zones à risque d’émergence permettra d’optimiser les efforts de surveillance.
  • Détection, alerte et réponse précoce. La détection précoce de l’émergence de moustiques ou de l’incidence chez les ruminants pourra être suivie de mesures préventives limitant les infections ou la diffusion du virus, telles que de la lutte anti-vectorielle, des restrictions des mouvements de ruminants dans les zones touchés ou des campagnes de vaccination ciblées chez les ruminants. Ceci implique que les autorités sanitaires publique et vétérinaire se soient, en amont, coordonnées pour évaluer, préparer et établir des stratégies de réponse précoce.