Institut Pasteur de Madagascar

Trois nouveaux entomologistes médicaux Malagasy

Purs produits de l’Institut Pasteur de Madagascar et de la Faculté des Sciences de l’Université d’Antananarivo

L’entomologie médicale est une discipline scientifique qui étudie les arthropodes, insectes et  acariens responsables de pathologies humaines, en vue de définir des moyens de lutte efficaces et ciblés. Cette science concerne directement la santé de plus de trois quart de l’humanité. A Madagascar, le paludisme dû à des parasites transmis par les moustiques anophèles, et la peste, causée par une bactérie transmise par les puces de rats, demeurent des problèmes majeurs de santé publique. Les arboviroses comme la dengue, le chikungunya, la Fièvre de la vallée du Rift, la fièvre West Nile sont aussi des maladies transmises par des moustiques qu’il est primordial de surveiller. En quête permanente de compréhension des mécanismes de transmission de ces maladies, l’Unité d’entomologie médicale de l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM), travaille sur la taxonomie, la bio-écologie, le comportement, la génétique des insectes vecteurs, ainsi que sur l’évaluation de leur niveau de résistance aux insecticides. Le but de ces investigations scientifiques est de formuler des perspectives de méthodes de lutte contre les vecteurs du paludisme et de la peste plus performantes, à travers une bonne connaissance de la bio-écologie des insectes, la mise en place d’outils de surveillance des vecteurs, ainsi que la connaissance des moyens de lutte appropriés. La même attention est également accordée à la surveillance des moustiques vecteurs des arboviroses.

Dans cette optique, trois étudiants de la Faculté des Sciences de l’Université d’Antananarivo accueillis au sein de l’Unité d’entomologie médicale de l’IPM, ont soutenus leurs thèses les 8, 9 et 10 août derniers, à l’occasion de la célébration des deuxièmes journées d’entomologie médicale de l’IPM. Dirigés et encadrés par des chercheurs pasteuriens, les trois nouveaux docteurs ont obtenu la mention « Très honorable avec félicitations du Jury » de la part de leurs jurys de thèse composés de professeurs et docteurs de l’IPM et de l’Université d’Antananarivo. Les trois nouveaux docteurs sont auteurs à eux trois de près de vingt articles publiés ou soumis à publication dans des revues internationales.

Dr Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA : Améliorer l’efficacité des outils de lutte contre le paludisme

Docteur Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA

Le mardi 8 août, Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA a soutenu sa thèse, intitulée « Evaluation de la bio-efficacité des outils de lutte contre les vecteurs du Plasmodium à Madagascar : réalités et limites ». Après l’obtention d’un Master International en Entomologie Médicale et Vétérinaire à la Faculté des Sciences de l’université d’Abomey-Calavi de Cotonou (Bénin) et de la Faculté des Sciences de l’Université Montpellier 2 (France), Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA, a intégré l’Unité d’entomologie médicale de l’IPM en 2013 en vue de réaliser un projet de thèse pour l’obtention du grade de docteur en sciences. Se spécialisant dans la lutte anti-vectorielle, le jeune docteur est auteur de neuf publications de recherche dans des journaux scientifiques internationaux. Il est également auteur de quatre communications orales internationales se rapportant à son domaine de spécialisation.

Plus de cent milles cas de paludisme sont évités chaque année à Madagascar, mais …

L’objectif principal de la thèse du jeune docteur est d’apporter des pistes de réflexions pour améliorer l’efficacité des outils de lutte contre le paludisme utilisés dans notre pays. Les moustiquaires imprégnées d’insecticide à longue durée et les pulvérisations intra-domiciliaires d’insecticide à effet rémanent sont nos principaux outils de lutte contre les moustiques. Et grâce à ces moyens, plus de cent milles cas de paludisme sont évités chaque année à Madagascar. Mais la maladie persiste sur l’ensemble du territoire et la recrudescence d’épidémies est toujours à craindre durant la saison des pluies. Même durant l’hiver, la présence des vecteurs de la maladie est constatée. De plus, certaines populations d’anophèles vecteurs développent une résistance aux insecticides.

Évaluer les outils existants avec une méthode plus rapide

Ainsi, pour assurer l’efficacité des moyens de lutte, il est nécessaire de contrôler la qualité des moustiquaires imprégnées utilisées ainsi que l’efficacité des insecticides utilisés en pulvérisations intra-domiciliaires. Pour cela, il faut évaluer trois paramètres pour les moustiquaires, à savoir l’intégrité physique, le taux de survie et la bio-efficacité de l’insecticide. Quant aux insecticides utilisés pour les pulvérisations intra-domiciliaires, leur bio-efficacité et leur rémanence sont les paramètres à mesurer. C’est donc sur l’évaluation de ces paramètres que se sont focalisés les travaux de recherche de Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA, avec une attention particulière portée sur l’étude de la bio-efficacité et de la rémanence de quatre familles d’insecticides usuellement employées à Madagascar. Il a effectué des tests en laboratoire et en milieu semi naturel contrôlé, sur quatre espèces d’anophèles vectrices, provenant de dix-neuf sites d’études répartis dans toute la grande île.

La mesure de la bio-efficacité consiste à déterminer la sensibilité d’une souche d’anophèle à un insecticide donné à travers des mesures de mortalité des moustiques. Quant à la rémanence, il s’agit d’évaluer la durée pendant laquelle un insecticide aspergé sur un mur ou incorporé dans une moustiquaire continue à exercer son action. Pour l’étude de bio-efficacité des moustiquaires, la méthodologie standard utilisée en laboratoire est chronophage et couteuse. Cependant grâce aux travaux de thèse de Sanjiarizaha RANDRIAMAHERIJAONA, une nouvelle méthode d’évaluation plus rapide, précise avec un coût financier plus accessible pour un pays en développement tel que Madagascar a été élaborée. Cette découverte est une grande première et pourrait contribuer à l’amélioration des évaluations des moustiquaires imprégnées utilisées à Madagascar et dans les autres pays concernés par le paludisme. Le jeune docteur a pu aussi identifier les moustiquaires imprégnées les mieux adaptées au contexte de notre pays.

Dr Thiery NEPOMICHENE : Anopheles coustani passé à la loupe

Docteur Thiery Nirina JEAN JOSE NEPOMICHENE

La journée du 9 août était consacrée à la soutenance de thèse de Thiery Nirina JEAN JOSE NEPOMICHENE qui a fait des recherches sur la « Biologie d’Anopheles coustani et implications dans la transmission du Plasmodium et du virus de la Fièvre de la Vallée du Rift à Madagascar ».

Thiery Nirina JEAN JOSE NEPOMICHENE a décroché en 2012, son Diplôme d’Etude Approfondie (DEA) en Entomologie médicale à l’Université d’Antananarivo. Et en 2014, il a été admis au sein du laboratoire d’entomologie médicale pour un projet de thèse. Le nouveau docteur a écrit quatre publications en premier auteur dans des revues scientifiques internationales, et est co-auteur de cinq autres articles. Il est également auteur de plusieurs posters présentés lors de congrès scientifiques internationaux.

L’implication d’ Anopheles coustani dans la transmission du virus de la Fièvre de la Vallée du Rift démontré

Le moustique Anopheles coustani a été trouvé infecté naturellement par le virus de la Fièvre de la Vallée du Rift durant les épidémies de 2008 et de 2009 dans notre pays. Mais l’implication de cette espèce très abondante et très largement répandue dans la transmission du plasmodium responsable du paludisme était méconnue. A travers sa thèse, Thiery NEPOMICHENE, a voulu démontrer le rôle vecteur d’Anopheles coustani dans la transmission du paludisme et confirmer le rôle vecteur de l’espèce dans la transmission de la Fièvre de la Vallée du Rift. Ainsi, le jeune chercheur a réalisé en laboratoire des infections expérimentales de l’espèce par le plasmodium et par le virus responsable de la Fièvre de la Vallée du Rift. Il a pu conclure que pour la fièvre de la Vallée du Rift, Anopheles coustani est bel et bien un vecteur confirmé du virus.

Pour ce qui concerne les expérimentations d’infections sur le plasmodium, les tests en laboratoire n’ont pas été concluants. Ces résultats ont amené le docteur à investiguer sur le terrain. Il a ainsi découvert que cette espèce présentait dans certaines régions des taux d’infection naturels plus élevés que ceux des autres espèces d’anophèles déjà connues comme vectrices. Entre autres, sur une période de 36 mois, ces travaux ont été menés sur des populations d’anophèles récoltées au niveau de six districts de la région de Tsiroanimandidy. Reliés au nombre de cas de paludisme dans cette région, ils permettent de suspecter Anopheles coustani d’être responsable d’épidémies de paludisme, alors que cette espèce n’a jamais été la cible des actions de lutte.

En effet, Docteur NEPOMICHENE a découvert que ce moustique se nourrit et se repose principalement en dehors des habitations, et pique majoritairement entre 17h00 et 20h00, moment durant lequel les gens sont encore dehors. C’est pourquoi cette espèce n’est pas ciblée par les actions de lutte habituelle contre le paludisme utilisant les moustiquaires et les pulvérisations intra-domiciliaires. C’est une constatation préoccupante devant mener à une réflexion globale sur la révision des stratégies de lutte contre le paludisme à mettre en place dans notre pays. Ces résultats montrent aussi le rôle primordial que doivent tenir les recherches entomologiques dans les actions de lutte et de surveillance des maladies vectorielles.

Dr Adélaïde Miarinjara : mieux lutter contre les puces vecteurs de la peste

Docteur Adélaïde MIARINJARA

La série de thèse marquant les deuxièmes journées d’entomologie médicale de l’Institut Pasteur de Madagascar a été clôturée par la soutenance de thèse d’Adélaïde MIARINAJARA, qui a présenté un travail intitulé « Xenopsylla cheopis, puce vectrice de Yersinia pestis : évaluation de la sensibilité aux insecticides et nouvelles perspectives pour la lutte anti-vectorielle à Madagascar ». Avant d’intégrer l’Unité d’entomologie médicale de l’IPM pour son projet de thèse, la jeune docteur a effectué ses études en entomologie médicale à la Faculté des Sciences de l’Université d’Antananarivo et a obtenu un Master en Sciences de la Vie en 2013. Actuellement entomologiste confirmée, elle est la première auteure de quatre publications parues dans des journaux scientifiques internationaux, et auteure de plusieurs posters et communications orales présentées durant des conférences internationales.

Pourtant éradiquée dans d’autres pays du monde, la peste est une maladie endémique à Madagascar. Elle est transmise à l’homme par la piqure de la puce porteuse de la bactérie Yersinia pestis. Des centaines de cas sont rapportés chaque année dans le pays. Les déclarations des cas sont actuellement facilitées grâce aux bandelettes de diagnostic rapide, outils mis au point par l’Institut Pasteur de Madagascar. L’utilisation d’insecticides par épandage de poudre ou par utilisation de boîtes de Kartman visant à tuer les puces vectrices sont les des méthodes de lutte privilégiées. Seulement, des résistances des puces aux insecticides ont été observées et d’autres espèces de puce auparavant non décrites comme porteuses de la bactérie pathogène sont devenues candidates à la transmission de l’infection. Ces problématiques ont amené la jeune chercheuse à travailler sur la sensibilité des puces aux insecticides afin de pouvoir orienter le choix d’outils de luttes adaptés.

Mieux comprendre les adaptions des puces aux insecticides pour mieux lutter contre la peste

Selon les travaux d’Adélaïde MIARINJARA, un outil de lutte est dit approprié quand il est efficace, accessible, facile à mettre en œuvre, peu toxique et accepté par la population. L’objectif des recherches de la jeune entomologiste fut d’obtenir plus de connaissances sur les adaptions de la puce Xenopsylla cheopis aux insecticides habituellement déployés. Pour y arriver, en laboratoire, elle a effectué des tests de résistance de quatorze populations de Xenopsylla cheopis à douze familles d’insecticide. Elle a également expérimenté l’utilisation d’une nouvelle méthode de lutte adoptant l’usage d’insecticide dits systémiques dont l’ingestion par les rats porteurs des puces tue rapidement les puces.

Puis, sur le terrain, au niveau de quatre villages de foyers pesteux, elle a fait des études comparatives sur l’efficacité des poudres et des boîtes de Kartman afin de démontrer lequel des deux outils est le plus adapté et quelles devraient être leurs modalités d’usage pour bien couvrir les épidémies. Les résultats des investigations du docteur MIARINJARA ont révélé des résultats importants pouvant permettre d’améliorer les actions de lutte contre la peste. Elle a pu déterminer à quels insecticides la puce Xenopsylla cheopis est résistante. Ses travaux ont, entre autres, permis de proposer et faire adopter un nouvel insecticide aux autorités sanitaires au niveau national. Et pour la première fois, grâce aux travaux de la jeune docteur, un gène connu lié à la résistance des puces à certaines molécules d’insecticide a été découvert chez une population particulièrement résistante de Xenopsylla cheopis de Madagascar.

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