Contexte et justification

A Madagascar, la peste est endémique des Hautes Terres au-dessus de 800m d’altitude à l’exception du foyer côtier de Mahajanga. Trois espèces de réservoirs sont impliquées dans le cycle de la peste : le rat noir Rattus rattus, le rat d’égout R. norvegicus et la musaraigne Suncus murinus ; mais selon l’abondance des espèces, l’importance relative de chacune d’elles comme réservoir (contribution à la persistance et à l’infection de l’homme) semble être différente entre les zones rurales, urbaines des hautes terres et urbaines côtières. La répartition des deux puces vectrices de la peste est basée sur les paramètres écologiques de chaque zone, notamment la température et l’humidité. Concernant les puces vectrices, Xenopsylla cheopis est une puce cosmopolite qui se trouve dans tous les foyers de peste à Madagascar. Cette espèce a été capturée surtout à l’intérieur des maisons et Synopsyllus fonquerniei, une puce endémique malgache surtout capturée à l’extérieur des habitations. Cette espèce caractérise les foyers ruraux des Hautes Terres, situés au-dessus de 800m d’altitude. Récemment, X. brasiliensis a été découvert dans un foyer de peste à Madagascar. Il est à noter que la puce de l’homme Pulex irritans est l’espèce la plus abondante, infestant les habitations dans les foyers de peste. Le rôle joué par cette espèce dans la transmission de la peste reste à élucider, même si elle a été déjà trouvée naturellement infectée.

L’épandage d’insecticide sous forme de poudre est le moyen recommandé dans le Programme National de Lutte contre la Peste à Madagascar pour lutter contre les puces vectrices de la peste, constituant le principal moyen de riposte en période d’épidémie. Une étude sur l’utilisation de la boite de Kartman a été déjà évaluée dans le cadre de la lutte contre les puces et les. L’utilisation des boîtes de Kartman permet de réduire la quantité d’insecticide à utiliser et permet aussi de réduire le contact des gens avec l’insecticide.

Outre les problèmes posés par la résistance des puces vectrices aux insecticides, certaines questions cruciales restent encore sans réponse, notamment la durée relative d’efficacité des insecticides, l’incidence des traitements sur la diminution des puces libres et parasites de rongeurs, ainsi que les moyens de traitement les mieux adaptés au contrôle des puces vectrices de la peste à Madagascar..

Objectifs

Les objectifs principaux de cette étude sont : (i) évaluer l’efficacité de l’utilisation de la boîte de Kartman et l’épandage direct en mesurant l’abondance des puces de rongeurs et les puces libres, (ii) évaluer la persistance de l’effet insecticide chez les deux méthodes en mesurant l’abondance des puces des rongeurs à court terme et à moyen terme.

Méthodes

1. Zone d’étude

Commune Ivato Centre, district d’Ambositra, région Haute Matsiatra, Province de Fianarantsoa.

Nous avons effectué les études dans 12 villages ou hameaux, à raison de 4 villages par type de traitement insecticide (épandage de poudre insecticide, utilisation de boîtes de Kartman et témoins) et 20 maisons par village.

Les hameaux d’environ 20 toits ont été choisis, si plus de 20 toits, un périmètre avec 20 toits a été délimité, en éliminant les maisons situées en périphérie du hameau. Les hameaux devaient au moins être distants de 1km les uns des autres. Les traitements ont été assignés par hameau par tirage au sort.

2. Traitements

Boite de Kartman (4 villages)

Dans chaque village, 30 boîtes de Kartman ont été déposées pendant deux nuits. La boîte de Kartman est un tunnel en bois (40cmx10cmx10cm) avec trois compartiments dont les deux extrémités servent pour l’insecticide et le compartiment au milieu sert à l’appât marqué à la rhodamine B. Elle possède un couvercle pour faciliter la pose des appâts ainsi que pour éviter l’ingestion par d’autres animaux non cible. Les rongeurs attirés par l’appât vont entrer par un des deux côtés de la boîte et vont s’imbiber de l’insecticide (fénitrothion, organophosphoré) qui s’y trouve puis vont sortir. Ces rongeurs vont véhiculer le produit insecticide sur leurs pistes et terriers, ainsi, l’insecticide agit aussi sur les larves et les cocons sur ces lieux.

Epandage d’insecticide (4villages)

Fénitrothion en poudre a été utilisé en épandage au moyen de boîtes poudreuses, à la dose recommandée par l’OMS pour la lutte contre les puces vectrices de la peste (2%). Les chambres à coucher ont été les principales cibles des traitements insecticides.

Villages témoins (4villages)

Aucun traitement insecticide ni boîte de Kartman n’a été effectué.

Capture après traitement

Le piégeage après traitement s’étalait en trois sessions dans tous les villages: 2 jours avant le traitement pour avoir l’index pulicidien initial dans les sites d’étude, 2 jours après pour voir l’efficacité à court terme du traitement insecticide et 1 mois après pour évaluer   la persistance de l’effet traitement. Pour capturer les rongeurs, deux types de piège ont été utilisés en parallèle par maison: BTS et Sherman capturant les rats vivants. Les puces de tous les individus capturés ont été récoltées sur le terrain par brossage des poils pour le calcul de l’index pulicidien après traitement. La rate et le sang du cœur ont été prélevés pour la bactériologie et la sérologie peste. Le protocole de piégeage consiste en une nuit de capture à l’intérieur et à l’extérieur des habitations.

Capture des puces libres : utilisation de piège à bougie pour une nuit de capture à raison d’un piège par maison dans le périmètre traité.

Les paramètres suivis dans les villages sont :

  • Index pulicidien des rongeurs capturés (nombre moyen de puces par rongeur)
  • Prévalence des rats porteurs de puces (nombre de rats porteurs de puce)
  • Index maison (nombre moyen de puces par maison)

Résultats et discussion

Le fénitrothion en poudre en épandage dans les maisons réduisait significativement l’index pulicidien des rats capturés deux jours après les traitements. Cependant, cet effet disparaissait au bout d’un mois. Dans les villages où les boites de Kartman ont été utilisées, on n’a pas observé de réduction significative de l’index pulicidien dans l’immédiat ou après un mois. Aucun des deux traitements n’avait d’effet sur la réduction de la densité des puces libres (en majorité des Pulex irritans) dans les maisons traitées. Cependant, il est important de souligner que la durée d’utilisation des boites de Kartman avant l’évaluation et le taux de couverture par village semblent être des facteurs qui pourraient biaiser les résultats. Il serait aussi intéressant d’analyser séparément les données d’index pulicidien obtenues à l’intérieur et à l’extérieur des habitations traitées. Les données sont actuellement en cours d’analyse et cette étude fera l’objet d’un article scientifique (en cours d’écriture).

Impact

Les résultats sur l’efficacité et la durabilité des traitements insecticides vont permettre de faire des recommandations pour l’amélioration de la lutte anti-vectorielle contre les puces lors des épidémies de peste.