UBE-Kpn Etude et caractérisation de souches de Klebsiella pneumoniae multirésistantes et hypervirulentes en portage humain chez la femme enceinte

Contexte et justification

Klebsiella pneumoniae (Kp), une bactérie à gram négatif appartenant à la famille des Enterobacteriaceae, a émergé au cours des dernières décennies comme un agent pathogène à deux titres.

  • Premièrement, elle se classe parmi les bactéries pathogènes les plus difficiles à traiter en raison de l’accumulation d’éléments génétiques porteurs de résistances aux antimicrobiens (MDR) et des souches résistantes émergent dans toutes les régions du monde. Ces souches peuvent facilement transiter à travers tous les continents, à l’instar de l’émergence mondiale des souches Kp abritant le gène de carbapénèmase NDM-1.
  • Deuxièmement, des infections communautaires dues aux Kp ont été détectées, au début en Asie, et désormais dans le monde entier. Ces infections communautaires atteignent même les jeunes et adultes sains et présentent plusieurs formes cliniques comme un abcès pyogènes au foie, une pneumonie sévère, une septicémie ou une méningite.

Ces deux types (résistant [MDR] et hypervirulent [HV]) d’infections dues aux Kp sont causées par un nombre restreint de groupes clonaux (GC), qui sont considérés «à haut risque»

Objectifs

  • Quantifier le portage asymptomatique des Kp-MDR et Kp-HV dits à haut risque chez les femmes enceintes.
  • Etudier les facteurs de risques de portage des Kp chez les femmes enceintes, et en particulier pour les clones virulents.
  • Déterminer la diversité phylogénétique des Kp trouvés en portage.

Méthodes

Quatre cent vingt (420) échantillons ont été collectés sous forme de selles ou d’écouvillonnages rectaux chez des femmes saines et enceintes lors de leur 3ème trimestre de grossesse (étude nichée sur le projet BIRDY).

Les écouvillons ou selles ont été inoculés pour pré-enrichissement dans du bouillon Luria-Bertani (LB) additionné d’amoxicilline à 10mg/l. Après 24h d’incubation à 37°C, 100µl du bouillon pré-enrichi a été ensemencé sur gélose de Simmons citrate inositol (SCAI), un milieu spécifique pour la croissance des Kp. Après incubation pendant 48h à 37°C, les Kp se présentaient sous forme de colonies jaunes qui ont été directement identifiées par spectrométrie de masse MALDI-TOF. Des antibiogrammes ont été réalisés et interprétés selon les dernières recommandations du Comité de l’Antibiogramme de la Société Française de Microbiologie (CASFM-2016) pour déterminer les phénotypes de résistances des Kp.

Les souches Kp isolées du projet ont été envoyées à l’Institut Pasteur à Paris et 246 souches ont été séquencées. Les résultats de séquençage ont été traités conjointement (IPP et IPM) en utilisant le logiciel BIGSdb destiné aux analyses des Kp pour leur attribuer un ST (sequence type). D’autres logiciels ont été utilisés pour déterminer les gènes de virulence, le sérotype, la base génétique des résistances et établir la phylogénie des souches.

Résultats et discussion

Les inclusions ont débuté le 1er octobre 2015 et se sont terminées en décembre 2016. Sur cette période, 423 prélèvements de selles ou d’écouvillons rectaux ont été traités dont 273 (64,5%) étaient positifs à Kp. Cinq (5) % des souches de Kp isolées présentaient un phénotype producteur de BLSE (β-lactamase à spectre étendu), et parmi celles-ci, 3% présentaient des co-résistances aux aminoglycosides et aux fluoroquinolones. Quatre autres % des Kp isolées étaient résistantes aux CIIIG sans être productrices de BLSE et parmi celles-ci 34% étaient à la fois résistantes aux cyclines, triméthoprime + sulphonamide.

Deux cent quarante-six (246) souches ont été séquencées (génome entier). Ces séquences ont été comparées entre elles et avec des souches de références afin de générer un arbre phylogénétique. Une grande diversité génétique a été observée parmi les souches analysées, avec quelques ‘clusters’ ou groupes liés aux ST-36 et ST-37. Au niveau taxonomique, 4 espèces ont été identifiées : 69% étaient des K. pneumoniae, 22% des K. variicola, 6% des K. quasipneumoniae subsp. similipneumoniae, et 2% des Klebsiella non classées actuellement.

Impact

L’étude effectuée chez les femmes enceintes est particulièrement appropriée, puisque Kp est l’un des premiers colonisateurs de l’intestin humain après la naissance et l’un des agents pathogènes bactériens les plus fréquents dans les infections néonatales. Par conséquent, notre enquête pourra ouvrir de nouvelles perspectives sur le contrôle de ces infections à Madagascar.