IMI-PaluVivax Le Paludisme à Plasmodium vivax à Madagascar : caractérisation des nouvelles voies d’invasion de globules rouges/réticulocytes Duffy-négatif

Contexte et justification

Le paludisme reste l’une des principales causes de morbidité et de mortalité dans les régions tropicales et intertropicales du monde. Bien que Plasmodium falciparum soit responsable de la grande majorité des cas et des décès dus au paludisme, P. vivax, l’espèce la plus répandue géographiquement, est responsable d’un grand nombre de cas et est de plus en plus reconnue comme une cause de paludisme grave et de mortalité. L’Organisation mondiale de la santé (OMS), estime que 2,9 milliards de personnes vivent dans des zones à risque pour P. vivax (principalement en Asie et en Amérique latine) avec chaque année 130 à 435 millions de cas de paludisme à P. vivax (Gething et al., 2012; Rapport OMS 2013). P. vivax est la seconde cause de paludisme à Madagascar (Rapport MIS 2013). Cependant, la prévalence actuelle de cette infection dans l’île reste encore mal connue, avec peu ou pas de données sur la morbidité et la mortalité palustre attribuable à P. vivax.

Contrairement à P. falciparum qui infecte les globules rouges durant son cycle érythrocytaire, P. vivax parasite préférentiellement les réticulocytes. Les premières études sur l’invasion de P. vivax suggéraient que l’étape clé de l’invasion de P. vivax est médiée par l’interaction spécifique de la Duffy Binding Protein (PvDBP), une adhésine de surface du mérozoïte, avec la glycoprotéine du groupe sanguin Duffy-DARC. De ce fait, les individus n’exprimant pas l’antigène Duffy étaient supposés naturellement résistants à l’infection à P. vivax. Ces observations expliquaient l’apparente absence de P. vivax dans la région sub-saharienne de l’Afrique où 90% des individus sont Duffy négatifs. Toutefois, les données récentes de la littérature acquises au Kenya, au Brésil, à Madagascar, en Mauritanie et au Cameroun montrent que P. vivax est capable de s’affranchir des barrières génétiques de l’hôte et d’infecter des globules rouges/réticulocytes n’exprimant pas l’antigène Duffy. Cette capacité d’adaptation insoupçonnée de P. vivax permettrait à ce parasite de coloniser de nouvelles niches érythrocytaires, d’avoir accès à un réservoir parasitaire plus important que celui qui était anticipé et par conséquent fait peser le risque d’une transmission de P.vivax dans les populations Africaines et Malagasy jusque-là supposées être naturellement protégées car Duffy-négatives.

Objectifs

A Madagascar, les équipes de l’IPM ont démontré la présence d’infections à P. vivax chez les individus Duffy-négatif suggérant la possibilité d’un autre mécanisme alternatif d’invasion des réticulocytes. Cependant, le mécanisme utilisé par P. vivax, indépendamment de la protéine Duffy/DARC, n’est pas encore élucidé.

Dans ce contexte du paludisme à P. vivax dans le monde et plus particulièrement à Madagascar, l’objectif principal de ce projet est de décrypter les bases moléculaires, immunologiques et fonctionnelles des interactions adhésines parasitaires–récepteurs globulaires mis en jeu au cours des infections à P. vivax chez des individus n’exprimant pas son récepteur traditionnel, l’antigène Duffy.

Méthodes

Des études transversales ont été réalisées dans différentes zones endémiques à P. vivax à Madagascar afin :

  • d’évaluer la prévalence actuelle des infections à vivax (TDR, PCR, sérologie-multiplex), de déterminer les foyers de transmission de P. vivax et de détecter les infections à P. vivax chez des individus n‘exprimant pas l’antigène Duffy,
  • de déterminer les couples adhésines parasitaires–récepteurs globulaires mis en jeu au cours des infections à vivax chez des individus Duffy-négatif.

Résultats et discussion

Des études transversales en population et des enquêtes dans les écoles (« School-based Malaria Surveys ») ont été réalisées dans trois communes (Andriba, Antanimbary et Maevatana) du District de Maevatanana, Madagascar. Au cours de ces études, après obtention d’un consentement éclairé, un test de diagnostic rapide (TDR) pour le paludisme a été réalisé et des prélèvements sanguins (frottis, papier buvard, microvettes) ont été obtenus afin d’évaluer la prévalence des infections à P. vivax et analyser les caractéristiques des populations parasitaires. Des prélèvements veineux ont aussi été réalisés chez les sujets souffrant d’un paludisme à P. vivax afin de mieux analyser les interactions hôtes-parasites et l’expression des récepteurs de surface.  Entre Janvier 2015 et Mai 2016, 700 échantillons ont été prélevés. Les résultats des TDR ont montré une prévalence du paludisme de 21% dont 5% de paludisme à P. vivax. Un génotypage du gène codant pour l’antigène Duffy et des adhésines parasitaires PvDBP et PvEBP a été réalisé. Le nombre de copies des gènes PvDBP et PvEBP dans chaque isolat clinique de P. vivax a aussi été étudié. Les données obtenues sont en cours d’analyse.

Des prélèvements de sang de cordon ont aussi été réalisés au niveau des maternités des centres hospitaliers (Befelatanana et HOMI) et des centres de santé de base de Maevatanana. Les réticulocytes enrichis à partir de ces prélèvements permettront de réaliser des tests d’invasion dans des réticulocytes exprimant ou pas l’antigène Duffy.

Impact

A terme, ce programme de recherche permettra :  

  • de mieux connaître la prévalence des infections à vivax dans les zones d’étude et le rôle du groupe sanguin Duffy dans cette infection hôte-parasite,
  • de déchiffrer les bases moléculaires, immunologiques et fonctionnelles de cette adaptation de vivax à une invasion de globules rouges/réticulocytes n’exprimant pas l’antigène Duffy afin de cibler les nouveaux couples adhésines/récepteurs identifiés dans de nouvelles stratégies thérapeutiques et/ou vaccinales,
  • De guider les stratégies de lutte contre le paludisme à vivax.