Entomo-infect Mise en place de l’infection expérimentale en laboratoire de niveau de sécurité 2 et étude de la compétence vectorielle d’Anopheles coustani

Contexte et justification

Le paludisme constitue toujours la première endémie parasitaire mondiale. Parmi les 200 espèces du genre Plasmodium existantes, seules cinq sont infectantes pour l’homme, dont Plasmodium falciparum, P. ovale, P. malariae, P. vivax et P. knowlesi. P. falciparum est le plus virulent, et peut provoquer le paludisme grave.

Problème majeur de santé publique à Madagascar, le paludisme figure parmi les maladies infectieuses qui tuent encore de nos jours. La lutte anti-vectorielle se trouve parmi les méthodes de protection les plus efficaces. Cinq espèces d’anophèles sont considérées comme vecteurs primaires du paludisme à Madagascar : An. funestus, An. mascarensis, An. gambiae s.s., An. arabiensis et An. merus. Cependant, l’utilisation des Pulvérisations Intra-Domiciliaires (PID) et la distribution de Moustiquaires Imprégnées d’Insecticide à longue Durée d’Action (MIIDA), ont entraîné des changements de comportement des vecteurs ces cinq dernières années. D’autres espèces comme An. coustani et An. squamosus/cydippis qui sont des espèces connues exophiles et zoophages ont été trouvées infectées sur le terrain. Leur compétence vectorielle à transmettre le parasite en laboratoire n’est pas connue pour Madagascar.

Objectifs

Les objectifs de cette étude sont  (i) demettre en place l’infection expérimentale des moustiques en laboratoire (Unité d’Entomologie Médicale) et (ii) d’étudier la compétence vectorielle d’An. coustani, espèce trouvée naturellement infectée par P. falciparum  et P. vivax sur le terrain.

Méthodes

Pour la mise en place de l’infection expérimentale, nous avons utilisé An. Anopheles arabiensis, espèce d’élevage dans l’unité, comme modèle de vecteur à infecter et  Pl.Plasmodium falciparum  comme parasite à tester. L’expérience a été menée à partir d’une culture de gamétocytes en condition contrôlée (en collaboration avec l’Unité de Paludisme).

La culture de gamétocyte a été faite avec deux types de souches de P. falciparum: 3D7 et l’isolat sauvage de Madagascar 2012-532 (au niveau de l’Unité de Paludisme).

Le gorgement infectieux a été mené avec des femelles âgées de 3 à 5 jours. Le repas de sang infectieux est composé de culot contenant des gamétocytes mâles et femelles mûrs, issus de culture de plasmodium de 15 jours, mélangé avec des globule rouges O+ sains, pour avoir un volume total d’environ 3ml avec un pourcentage de parasitémie d’environ 5% à chaque gorgement. Les moustiques femelles gorgés sont ensuite triés et maintenus en vie pendant 20 jours. On prélève 2 individus à différents moments (jour 2, 4, 7, 9, 11, 17 et 20) pour tester la présence du parasite chez le moustique par dissection de l’estomac par ELISA CSP et par PCR quantitative (qPCR).

Résultats et discussion

Concernant la culture de gamétocytes, la production de gamétocytes mâles et femelles s’est nettement améliorée par l’ajout de pyrimidine dans le milieu de culture. Pour l’infection proprement dite, quatre gorgements infectieux ont été mis en œuvre. Au total, sur 1304 femelles d’An. arabiensis utilisées pour l’infection, 168 femelles se sont gorgées. La dissection des estomacs des femelles gorgées n’a pas permis de détecter la présence d’oocyste. De même, aucun résultat positif n’a été détecté par la méthode ELISA CSP. La détection par qPCR a permis d’obtenir des résultats positifs. Ces travaux sont en cours.

Ces expérimentations ont mis en évidence des points importants concernant la culture du Plasmodium, la production de gamétocyte et la réalisation de l’infection expérimentale des moustiques en laboratoire ainsi que leur détection in-situ. Concernant la culture de Plasmodium, cette étude a permis de mettre au point différents paramètres qui sont nécessaires pour optimiser l’obtention de gamètes mâles et femelles par l’ajustement des milieux de culture, tel l’ajout de mélange de NAG + PYR qui ont permis d’augmenter sensiblement la gamétocytogénèse. La souche de P. falciparum  3D7 et l’isolat sauvage de Madagascar 2012-532 ont présenté une meilleure adaptation aux conditions de culture en continu in-vitro de production de gamétocytes.

Pour An. coustani, sur 63 femelles utilisées pour le gorgement infectieux,  16 se sont gorgées. Aucune n’a été  trouvée infectée, ni par ELISA CSP, ni par PCR. Une étude plus approfondie avec plus d’individus nécessite d’être menée pour répondre à la compétence vectorielle de cette espèce.

Impact

La mise en place de l’infection expérimentale à IPM a été menée à bien. Cette étude est la première qui reconstitue la totalité d’une infection expérimentale en laboratoire à Madagascar, en partant de la mise en culture des parasites jusqu’aux différentes méthodes de détection de ces derniers chez les moustiques vecteurs. L’étude de la compétence vectorielle des espèces de moustiques trouvées porteuses de parasites, virus et bactéries responsables de maladies pourra maintenant être entreprise à plus grande échelle avec une nécessité d’amélioration des facteurs d’infection correspondant à chaque espèce à tester.