Peste-TANA Surveillance de la peste murine en zone urbaine d’Antananarivo

Contexte et justification

La surveillance murine dans la ville d’Antananarivo a commencé en 1995 dans le marché de gros de Tsenabe Isotry puis s’est étendue à 8 autres quartiers en 1997. De 1997 à 2000, les indicateurs sont restés élevés. A partir de 2000, les indicateurs ont mis en évidence une amélioration après la mise en œuvre de mesures publiques d’assainissement. Une diminution du nombre de cas de peste humaine dans la capitale était alors constatée. Malheureusement, cette surveillance s’est arrêtée en 2006 alors que le risque de peste était non négligeable.

Objectifs

L’objectif principal est de fournir les indicateurs de risque de peste nécessaires à la prise de décision et à l’adaptation des mesures de lutte contre la peste à Antananarivo. Ces indicateurs de risque comprennent : la composition par espèce de la population murine qui sert de réservoir, leur séroprévalence et sensibilité par rapport à la peste, la densité des puces et la sensibilité des puces aux insecticides actuellement utilisés et ceux qui pourraient l’être.

Méthodes

La surveillance murine a été effectuée du mois d’avril à juin 2015 dans 20 quartiers d’Antananarivo ville. Les campagnes de captures ont été réalisées par des pièges (BTS et nasses à rats) déposés à l’intérieur des habitations des quartiers à risques et dans les marchés communaux de la Commune Urbaine d’Antananarivo pendant 3 nuits successives selon la méthode de capture standard de l’IPM. Les rongeurs capturés ont été identifiés, épucés et un prélèvement sanguin a été effectué sur chacun d’eux. Une infection expérimentale a été réalisée sur les individus jeune-adultes pour la détermination de leur sensibilité à Yersinia pestis.

Résultats et discussion

Au total 311 rongeurs ont été capturés avec 433 puces collectées. Les résultats ont montré les proportions suivantes en termes d’espèce capturée: 88,42% (Rattus norvegicus), 10,61% (Suncus murinus), 0,32% (Rattus rattus) et 0,32% (Mus musculus). Les puces collectées appartiennent à l’espèce Xenopsylla cheopis. L’index pulicidien (IP) global qui est le rapport du nombre total de puces collectées sur le total de rongeurs capturés est de 1,4. Cette valeur reste en dessous du seuil d’alerte (IP> 5). La séroprévalence de la peste reste aussi très faible (1,4%). L’étude de la sensibilité à la peste des R. norvegicus de la ville d’Antananarivo a montré un niveau de sensibilité identique (DL50 = 103cfu) à celui obtenu chez la même espèce de rongeur en 2001 selon les études de Rahalison et al (2003).

En conclusion, R. norvegicus reste l’espèce de rongeur qui domine dans la population murine de la ville d’Antananarivo où X. cheopis est le seul vecteur impliqué dans l’épidémiologie de la peste. Bien que l’index pulicidien et la séroprévalence de la peste restent faibles, la circulation de la peste même à bas bruit n’est pas négligeable. Par ailleurs, la résistance à la peste de cette espèce prédominante dans la capitale est maintenue (DL50 = 103cfu). Une étude approfondie en génétique (de la population) et de la réponse immune serait intéressante pour comprendre cet phénomène. La présence de la seule population résistante peut limiter l’extension de la maladie sans pour autant l’éliminer, mais sa cohabitation avec des individus sensibles peut entrainer une épizootie pouvant être à l’origine d’une épidémie. Par conséquent, une surveillance continue de ces indicateurs (composition de la population murine, sensibilité à Y. pestis …) doit être poursuivie.

Impact

La surveillance murine a permis de mettre à jour la situation en termes de portage de Y. pestis, les indicateurs de la peste et de sensibilité des rongeurs à la peste dans la ville d’Antananarivo, des informations essentielles pour suivre l’évolution du risque de réémergence de la peste. Des recommandations tirées à partir de cette étude ont été adressées aux autorités concernées.